Pour commencer ce blog, nous vous proposons de découvrir les expériences de l’une de nos cavalières, qui se livre sur son parcours équestre et le chemin parcouru pour retrouver confiance à cheval.
Le Domaine des Ecuyers, ce n’est pas seulement une école d’équitation et une écurie de spectacles : c’est aussi un lieu où l’on dépose ses bagages, où des transformations intérieures s’opèrent par l’intermédiaire des chevaux. C’est ce que de nombreuses personnes viennent chercher avec nos stages de remise en confiance. Découvrez le témoignage de Muriel.
‘Les chevaux nous aspirent autant qu’ils nous inspirent, ils absorbent l’être et ses blocages : l’image de vases communicants me semble la plus appropriée pour décrire cette relation.’
Muriel ? Muriel, c’est un regard franc qui vous met au défi d’y plonger le vôtre. Un éclat bleu infaillible qui vous lance avec malice : « sonde-moi, si cela t’amuse, tu ne trouveras rien que je ne sais déjà ». C’est dans un Haras du Pin en ébullition que se rencontrent les deux femmes. En mai 2014 s’y tient le concours d’Europe amazone où Muriel présente son cheval de cœur, Inoui du Vicquard. Depuis la carrière de détente, Emeline observe le couple dérouler leur reprise.
‘ J’ai vu un fantôme sur un cheval, cela a quelque peu…happé mon attention’
Pour un regard non averti en effet, Muriel semble un brin engoncé dans sa selle, déconnectée du mouvement. Une rigidité que l’on pourrait facilement attribuer au stress de la compétition. La réalité est pourtant toute autre.
‘Tout allait bien jusqu’au départ au galop, là c’est le noir total. Je perds tous mes moyens, je m’absente de mon propre corps. Tout me ramène à ce jour en forêt. Je suis dans une panique indescriptible.
Je descends en sanglots. Inoui a fait son travail, il a sauvé les apparences.
Je me malmène en pensées ‘C’est terminé pour moi le cheval. Je suis inexistante et je viens de le prouver. Incapable de contrôler…plus la peine de persister’. Comme un ras de marais. J’ai besoin d’être seule et j’envoie tout le monde bouler pour m’isoler loin, très loin du système concours…C’est là qu’une blonde vient me parler avec gentillesse, elle veut comprendre pourquoi je suis dans cet état. Je la rembarre. Non mais, elle veut quoi cette inconnue ?!’
Certes mais…c’est mal connaître Emeline que de penser qu’elle va lâcher l’affaire aussi facilement.
‘Je ne comprenais pas ce qui avait pu provoquer une telle crise de pleurs. Ce que j’avais vu en piste était très correct malgré la déconnexion manifeste de la cavalière. Cela ne valait pas à mon sens une déception aussi amère. Je retourne la voir lorsqu’elle s’est calmée. Elle m’explique…’
En 1992, Muriel vit en forêt domaniale dans la région parisienne. Elle a le plaisir régulier de se promener avec Golden, une jument qui lui est prêtée. Alors qu’elles entament une balade avec une amie cavalière, Golden lui prends la main et s’engouffre à bride abattue dans les sous-bois.
‘Je perds tout contrôle. Impossible de s’arrêter, impossible de faire un cercle, impossible de changer de direction. La jument ne répond plus. Puis là en face de nous, se tiennent 4 chênes jumelés qui forment comme un mur d’écorce immense et nous fonçons droit dessus à pleine vitesse. Une simple pensée me traverse et me donne le courage d’agir : là c’est la mort assurée. Je déchausse mes étriers, prends appui sur ma selle et me projette en arrière.’
Un choc violent, un claquement dans la colonne, puis le silence. Muriel est dans une étrange position : ses jambes et son buste forment une parfaite équerre. Golden s’est arrêtée non loin. Petit à petit le son revient, puis les sensations. Muriel se relève péniblement, plus de peur que de mal semble t-il – du moins pour l’instant.
Les mois passent, puis un matin : ‘Au réveil, mon bras droit est paralysé. Il tombe inerte le long de mon corps, je suis terrifiée. Je me rends à l’hôpital, à mille lieux de faire le lien avec la chute advenue 6 mois plus tôt’
Le résultat des radios est sans appel. Pour le médecin, Muriel sort tout juste d’un accident de voiture : elle vient de faire un coup du lapin.
‘ Je ne comprends pas, tout me semble irréel. Puis la lumière se fait, l’accident m’apparaît et j’entends à nouveau le claquement sourd dans ma colonne. 7 vertèbres déplacées, 4 dorsales, 3 cervicales. Très bien déplacées, suffisamment pour ne pas le sentir. C’est l’effondrement : je vais être handicapée.’
Minerve rigide et potentielle opération des cervicales : voilà l’horizon cauchemardesque de Muriel qui va s’étendre sur trois longues années.
‘Un courant d’air et je chopais un torticolis, je n’étais plus libre de mes mouvements, ce n’était plus une vie…J’ai refusé l’opération qui visait à brocher mes cervicales, par peur de finir en plante verte si le destin me confrontait à un nouvel accident, je n’avais que 26 ans… Puis un jour, un ami désespéré de me voir dans cet état m’a présenté à un osthéopathe-accupunteur-irridologue. Il a changé le cours de ma vie : au bout de deux séances il a balancé ma minerve à la poubelle en me disant que je ne reviendrai plus le voir. Il a eu raison.’
Tout doucement, Muriel s’autorise à se rapprocher à nouveau des chevaux. Après de nombreuses désillusions et une nouvelle chute elle décide de se faire accompagner par un professionnel. En 2010, Muriel rencontre Véronique Chérubin qui accèdera à sa demande un peu particulière : elle veut remonter à cheval, mais plus question d’être à califourchon.
‘J’ai l’impression que l’amazone est un fauteuil et que je serai plus en sécurité dans la selle, la fille cinglée quoi !’
Bien que l’accident n’est en rien altéré son amour des chevaux, il aura néanmoins crée un traumatisme des plus prégnant qui handicapera Muriel dans sa démarche de reconnexion.
‘Je demandais à ce qu’on me tienne le cheval pour monter dessus, le tout dans l’espace clos du manège : je m’y sentais mieux. J’avais la hantise de circuler dans l’enceinte de l’écurie, même pour 20 mètres c’était devenu impossible. »
Que faire lorsque, malgré une volonté de fer, notre corps se tétanise et ne réponds plus de rien ? Lorsque la panique nous submerge jusqu’à l’engloutissement ? Comprenez que l’amertume n’en soit que plus grande : d’une période éthérée où la sérénité bourgeonne et semble pouvoir fleurir, Muriel plonge soudainement dans une vive détresse qui piétine tout sur son passage.
‘En un instant et sans déclencheur extérieur tout pouvait basculer : une peur fulgurante me coupe la respiration, je suis piégée sans issue de secours face à cette angoisse qui me saisit. A faire trembler le cheval sous moi.. Je me refusais à descendre, je trottais, galopais en pleurs.’
Malgré ces signaux d’alerte, elle ne lâche pas l’affaire et tisse progressivement quelques brins de confiance auxquels elle s’accroche avec force et détermination.
‘ J’ai commencé à sortir en concours avec Inoui…faut être con pour avoir peur à cheval et EN PLUS DE CA faire des concours ! Le jour où mon chemin a croisé celui d’Emeline, j’ai compris que j’étais allée trop loin’
De cette rencontre au haras du pin, Muriel comprit qu’elle faisait fausse route. Que sa persévérance au lieu de l’émanciper de ses peurs, entretenait un processus destructeur.
‘J’avais besoin de comprendre ce qui m’arrivait, de clarifier ma situation. Alors je suis venue au domaine sur l’invitation d’Emeline, surtout convaincue par sa simplicité : « je ne suis pas une faiseuse de miracle ». J’ai eu confiance.’
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« Lorsque Muriel est arrivée au domaine, elle était déjà prête mentalement à engager le changement. Son objectif premier était de sortir à nouveau en balade, pour le reste elle travaillait avec Véronique. Nous avons passé beaucoup de temps à discuter avant d’engager le travail avec Bucéphale, entier frison qui avait toute ma confiance et réciproquement. Après quelques séances à pied nous avons pu monter dans la carrière en amazone. Quand j’ai estimé qu’elle avait suffisamment confiance, je me suis mise à cheval avec elle et nous sommes allées en extérieur sur une petite distance. Dans ce genre de situation, je garde toujours en tête qu’elle a peur. J’observe les crispations de son corps qui me renseignent sur son niveau de stress, pour que jamais elle ne se mette dans le mal. Si on commence à tout anticiper on peut être sûr que l’accident va arriver, au lieu de ça je la fais jacasser pour qu’elle se concentre sur autre chose. Je me rappelle son sourire sur le chemin du retour, il était éclatant. Remettre en confiance, c’est avant tout s’adapter à la personne en face de soi, pour permettre une réelle mise en relation avec le cheval »
‘Les choses se sont faites progressivement, un pas après l’autre. Je me rappelle cette première balade et de celles qui ont suivies. Notre premier galop en extérieur : Emeline a laissé les autres partir devant et dans une maitrise totale, m’a accompagnée dans un petit galop cadencé, waouh une étape de passée !
A la suite de mon arrivée au domaine, j’ai commencé l’hypnose. C’est le déclic total : après 6 mois de travail permanent sur l’accident, la plupart de mes peurs se sont envolées.
Sous le regard d’Emeline, j’ai appris à lâcher prise en toute confiance. Je sais que les chevaux sont à son écoute et c’est très très rassurant’
Grâce à ses séances au Domaine, Muriel envisage de repasser à califourchon sur des selles de Doma Vaquera et progresse jusqu’à l’obtention de son galop 7.
‘Je suis entrée dans l’asso et mon horizon équestre s’est drastiquement ouvert. Ma première prestation avec les écuyers, c’était à Chamerol…Sur un terrain glissant j’ai gagné au tir à l’arc ! J’ai même pu me promener à cheval autour du château. Petit à petit, je me suis sentie suffisamment à l’aise pour prendre une demi-pension à côté.
J’ai tant évolué auprès des chevaux, pour eux et par eux. Ils nous aspirent autant qu’ils nous inspirent, ils absorbent l’être et ses blocages. C’est l’image des vases communicants.
Aujourd’hui je n’aspire qu’à continuer ma progression, participer au bon fonctionnement de l’asso, aux prestas… dans la simplicité et la tranquillité.’